Jewel

MacBook.

Il est 07h50 du matin, et je viens d’arriver chez moi. J’ai croisé Mom dans la cuisine, en train de se faire un smoothie. J’aurais bien dévoré le reste de pâtes de hier mais elle m’aurait regardée trop chelou.

Il est 07h50 du matin et je reviens de chez Jonas. J’ai débarqué en pleurs chez lui à 22h hier soir. En pleurs à cause du Belge. Le Belge que j’ai rencontré au Cambodge. Longue histoire. J’y reviendrai. Un des colocs de Jonas m’a ouvert la porte. Il a vu devant lui une blonde en jupe courte et chaussettes montantes. Il a direct su que je venais pour Jonas. Ce dernier est arrivé dans le hall et m’a maladroitement fait un câlin avant de m’amener dans sa chambre. Le genre de câlin où le mec te touche à peine avec ses bras. Le genre de câlin qui sert à rien. Je me suis mise en top et en culotte et je me suis installée sur son lit. On a échangé deux-trois banalités sur le capitalisme.

- Tu veux voir le film porno qui a gagné le prix du festival?

Je ne sais pas de quel festival il parle, mais je ne dis jamais non à un porno. Il baisse les lumières. Prend son MacBook. Branche les écouteurs puis me les tend.

- Tu veux pas écouter avec moi?
- Non, je serai trop occupé à autre chose.

Jonas a presque trente ans. Il est Portugais. C’est le plus gros hipster de l’histoire de l’humanité. Barbe noire, lunettes, pantalons slims trop courts et t-shirts trop grands. MacBook et iPhone. Ce sac à dos moche suédois, avec les deux poignées. Il lit des bouquins sur la révolution russe au lieu de lire mes bouquins sur l’antispécisme, et ça m’énerve. Jonas, c’est un militant anticapitaliste et antifasciste. Il a un job alimentaire comme éducateur mais sa vraie passion c’est de gueuler dans la rue. Jonas, il est un peu maigre, pas très grand, un peu maniéré. Jonas je l’ai sûrement croisé un million de fois à des manifs, mais il nous a fallu Tinder pour qu’on commence à se calculer.

La musique commence à jouer. La scène se déroule dans une voiture. La femme est uniquement éclairée par les lumières néons de la route. La vidéo dure 9 minutes. Jonas a sa tête entre mes jambes et j’ai déjà envie de faire semblant de jouir. Pas pour lui faire plaisir. Mais parce que je n’arrive pas à faire mieux. La femme a un piercing au septum, un ventre un peu gras, elle est magnifique. Un homme noir apparaît, comme un flash. Il joue avec sa chatte. Un autre flash. Il la pénètre. Je n’arrive pas à me concentrer avec Jonas qui me fait mouiller au point de tremper ses draps. A quelques minutes de la fin de la vidéo, je simule un orgasme. Je n’entends pas mes propres gémissements à cause de la musique dans les écouteurs. J’ai une pensée pour ses colocataires dans le salon.

- J’ai presque tenu jusqu’au bout.
- Good girl.

On a du baiser pendant deux heures après ça. Jonas a une maîtrise de lui-même assez impressionnante. Il ne jouit que lorsque que j’ai fini de compter jusqu’à trois. Je commence par le lécher à mon tour. Au début, doucement, sensuellement. Puis il m’attrape la tête et vient cogner au fond de ma gorge. Je m’étouffe. Je crache. Il m’étale ma salive sur mon visage, pour faire couler mon maquillage. Pour que je ne ressemble plus à rien. Il me pénètre ensuite par derrière. J’ai encore mal de la veille avec Thomas. Il me retourne. Tout en me pénétrant, il me pose des questions sur mes conquêtes de la semaine. Je lui raconte Josh. Mon ex Josh. J’ai dormi chez lui mardi soir. Je dis que je l’ai laissé éjaculer sur mes seins et sur mon ventre. Ce n’est pas vrai, mais c’est déjà arrivé par le passé. Jonas devient fou. Il me pose plein de questions tout en se défoulant en moi. Puis je lui parle de Thomas. Comme quoi c’est le mec le mieux foutu que j’ai jamais baisé. Comme quoi il a adoré raser la chatte d’une féministe. Comme quoi il accepterait peut-être de me prendre violemment pendant que Jonas nous regarde.

- Pendant qu’il te baise, j’aimerais te chuchoter à l’oreille que je t’aime, histoire que notre relation soit bien tordue jusqu’au bout.

Un, deux, trois.