Jewel

Borderline.

La peur du rejet et de l’abandon, l’instabilité de l’humeur, la difficulté à contrôler les pulsions, les actions, les réactions, les actes impulsifs souvent néfastes, les relations interpersonnelles instables, une difficulté avec l’intimité, une dissociation et une méfiance importante en présence de stress.

Jonas ne me parle plus. Il ne m’a pas donné d’explication. Je déteste ça. Je suis putain d’anxieuse.

Je suis malade depuis vendredi. J’ai dû annuler tous mes plans pour le weekend. Je binge-watch Girls, je mange à peine, j’espère que ça va me faire maigrir. J’ai le rhume et la toux. Je suis épuisée et j’ai mal à la tête à force de regarder un écran dans mon lit depuis 48h.

Jonas ne me parle plus, et ça me rend putain d’anxieuse. Parce que je ne sais pas ce que j’ai fait. Parce qu’il me hait. Parce qu’il m’aime et que moi je ne l’aime pas. Parce que je l’ai saoulé. Parce qu’il a perdu tout intérêt, car je n’ai aucun intérêt. Parce qu’a contraire je suis trop compliquée et fucked up. J’en sais rien. Il ne m’aime plus. Il ne m’aime plus. Il a dit qu’il m’emmènerait aux bains après le début des cours pour que je sois moins malheureuse mais il m’abandonne. Il m’abandonne à un moment difficile de ma vie. Je le hais pour ça. Il manque tellement de considération. Aucune explication. Je le hais. Fuck him. Putain je le hais.

J’ai pas vu mes amis de tout le weekend et ça me rend triste. Ça m’aurait fait du bien d’avoir un peu d’intelligence et de finesse avant de retourner aux cours avec ces beaufs racistes et misogynes.
Je suis anxieuse et j’ai faim. J’ai faim, putain.

Il y a quelques mois j’étais au fond du trou. Je me suis traînée chez ma psy et l’ai suppliée de me donner un diagnostique. Six ans que j’allais chez elle, je n’avais jamais désiré le savoir. J’avais peur de me conforter dans la maladie. De ne pas assumer mes actes et de mettre toute la faute sur ma condition. J’étais au fond du trou. Je faisais tous les exercices. Je sortais de ma zone de confort pour vaincre l’anxiété. Mais il n’y avait aucune évolution. En six ans. Aucun progrès. A part le fait d’arrêter la drogue. Nada. J’étais en pleurs. Elle a compris. Il fallait que je sache. Je m’attendais à ce qu’elle me dise que je suis dépressive. Mais ça aurait été trop facile. Des p’tits antidépresseurs et hop tout va bien. Tu rêves. Je suis borderline. Je suis putain de borderline.

A ce moment-là, tu te dis FUCK. Tu te dis, fuck, j’ai un trouble de la personnalité. Mental illness. Maladie mentale.
A ce moment-là t’es soulagée. Parce que tu comprends enfin pourquoi les autres arrivent à fonctionner et pas toi. Pourquoi ils arrivent à faire des choses - ouvrir leur courrier, ne pas avoir envie de mourir lorsque quelqu’un ne répond pas dans la seconde à ton message, terminer une formation - et pas toi.
A ce moment-là tu flippes, aussi. Tu flippes énormément. Parce que tu sais que, malgré tous tes efforts, tu vas galérer toute ta vie. Tu vas beaucoup, beaucoup pleurer. Tu continueras à passer des jours chez toi sans arriver à sortir du lit. Parce que l’anxiété est trop forte. Tu vas rencontrer pleins des personnes fantastiques, à qui tu n’adresseras plus la parole quelques mois plus tard. Parce que tu les hais soudainement. Ou parce qu’ils aimeraient que tu sois normale donc ils se barrent. Y aura beaucoup de séparations. Et les séparations, c’est dur pour toi. Tu vas parler à tes proches qui minimiseront ta maladie en disant des débilités du genre "Mais moi aussiiiii j’ai des angoisses des fois. Moi aussiiiii parfois je ne sais pas très bien qui je suis". Parce que oui, en tant que borderline, tu sais pas qui tu es. Ta personnalité peut changer tous les jours. Toutes les secondes. J’ai été dix femmes différentes dans ma vie.