Jewel

Bathing suit.

We live in a society that try to teach our daughters not to get raped… instead of teaching our sons not to rape.

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Je n’arrive pas à lui parler. Je viens de l’appeler, avec l’intention de discuter un peu de mon viol. J’ai vu quelques images, quelques phrases sur le sujet sur Internet ce soir et ça m’y a beaucoup fait penser. Je me rejoue la scène. Encore et encore. Mon bas de maillot sous mon jean. Un coup de tête dans le nez. Crac. Fontaine de sang sur mon top kaki un peu trop grand. Top que je n’ai jamais réussi à remettre.

Je n’arrive pas à lui parler. Surtout pas par téléphone. Il n’arrive pas à décrocher les yeux de son ordi et semble du coup absent. Il met plusieurs secondes à répondre et ça me tend. Je perds patience. Je fais la conclusion hâtive qu’il n’a pas vraiment envie de parler. Du coup, moi non plus. Du coup, on ne parle pas. Nos conversations téléphoniques ne servent à rien. Et pourtant, je m’acharne à réessayer chaque soir. I’m a needy person. Tentant de m’enfuir, les fringues pleines de sang, je me pète la gueule. Je suis encore un peu bourrée. Un sécu accoure et m’immobilise alors que je me débats. Je suis hystérique.

"Vu comme vous êtes habillée...."

J’ai envie de lui parler, pourtant. J’ai besoin de lui parler. C’est mon mec. C’est la seule personne au monde avec qui j’ai envie d’en parler. Avec qui je suis prête à en parler. Mais je n’y arrive pas, et le problème vient de moi. Il serait peut-être ravi de m’écouter. Mais je semble trouver des prétextes pour reporter la discussion. Et je suis triste. Je ressens de la tristesse en ce moment. C’est sans doute aussi la fatigue. On a pas beaucoup dormi. Cela fait deux ans que je n’en ai pas parlé. Mon ex Francisco insistait pour qu’on aille à ce festival. Je ne voulais pas et il ne comprenais pas pourquoi. J’ai donc dû lui expliquer. Lui expliquer pourquoi je ne veux plus jamais y retourner. Il est la seule personne qui me croit, avec ma soeur. C’est ça le plus dur, je crois. Personne ne m’a crue. Le lendemain, au poste de police : "Que portiez-vous ?" Bande de cons. Bande d’attardés. De crevures. D’imbéciles. De salauds. D’enfoirés. De bouffons. D’abrutis. De crétins. D’enflures. D’assistés. De blaireaux. De connards. De raclures. De ploucs. De minables. De pourritures. De clowns. Ces flics, c’étaient des clowns. Des sales gueux. Des merdes. Tout comme l’autre gars, ils n’ont pas compris que le "non" d’une fille bourrée a tout autant de valeur que le "non" d’une fille sobre. Tout comme l’autre gars et ce putain de sécu, ils n’ont pas compris que le "non" d’une fille habillée en minijupe a tout autant de valeur que le "non" d’une fille en combinaison de ski. "Que portiez-vous ?" Un jean. Un top dévoilant légèrement mon maillot de bain. Des baskets. J’aurais pu avoir un porte-jarretelles, ça n’aurait pas justifié son acte. J’aurais pu être droguée, inconsciente, dans le coma, ça n’aurait pas justifié son acte. Je suis d’accord que certains comportements peuvent être à risque. Mais il ne faut jamais, jamais oublier que la victime d’un viol reste la victime. Et qu’il ne faut en aucun cas excuser un violeur parce qu’une jupe était un peu trop courte. C’est le violeur qui crée le viol, et pas la victime. Pas de viol sans violeur.

Putain.