Jewel

Strawberry.

Une femme qui a un amant est un ange, une femme qui a deux amants est un monstre, une femme qui a trois amants est une femme.
- Victor Hugo

On y passait des heures. Littéralement. Plusieurs heures complètes. Avant de rentrer chez moi. J’avais 14 ans, presque 15. Lucas était le deuxième garçon que j’embrassais. Le premier, c’était un Turc que j’avais rencontré à la piscine à Austin. J’avais 12 ans, Katy en avait 14. Elle était grande, elle avait déjà embrassé plusieurs garçons. Je l’ai suivie. Elle avait son Turc, j’avais le mien. Je l’ai senti bander à travers son maillot de bain. C’était horrible, comme premier baiser. C’était le premier, mais j’ai su dire qu’il ne savait pas y faire. Lucas, il embrassait bien. Lucas, il avait 5 ans de plus que moi. Qu’est ce qu’il était beau. Fort. Grand. Il me plaisait tellement. C’est avec lui que j’ai ressenti pour la première fois du désir sexuel. On y passait des heures. A s’embrasser. Sur la banquette arrière de sa voiture. J’adorais ça. Couchés l’un sur l’autre. A s’embrasser. Encore et encore et encore. Plusieurs heures complètes. Sa voiture sentait la fraise. Il sentait Acqua Di Gio. Je n’oublierai jamais le mélange de ces deux odeurs. J’adorais le chauffer. C’est agréable de séduire, de plaire, de donner envie. Je le chauffais, mais je ne baisais pas. J’étais encore vierge. On sortait ensemble depuis peu. Putain, qu’est ce que j’en avais envie. Je me posais trop de questions. Je vais passer pour une pute. Il va me larguer le lendemain. Il ne m’aime pas. Est-ce que je l’aime ? Il voudra tout le temps baiser, après. Je suis trop jeune. Je dois prendre la pilule. Est-ce que j’arriverai à lui mettre une capote? J’ai tenu un mois. Un mois après notre premier baiser, on a baisé.

Je regrette ce temps-là. Quand de simple baisers nous suffisaient. Nous donnaient l’effet d’avoir des papillons dans le ventre. C’était beau. Innocent. Je croyais l’aimer. Drôle. C’était pas de l’amour. C’était de l’attirance sexuelle. On a pas su faire la différence. Je l’ai réalisé en août. Je voulais faire mes premières expériences. J’ai choisi le premier venu. Par prétexte que je l’aimais. On avait rien en commun. Lui, il ne voulait pas être seul. Il avait 19 ans quand on s’est rencontré. Moi, 14. C’était n’importe quoi. J’étais une gamine. La preuve, j’ai pas arrêté d’embrasser d’autres mecs. Je voulais m’amuser. Il ne faut pas être en couple à 14 ou 15 ans. Ou alors des petites histoires. Mais pas des relations de deux ans. C’était pas de mon âge, les disputes de couple. Sacrifier des potes ou de soirées pour rester avec chéri. J’ai fait tout faux. Mom me l’avait bien dit. On a tous les deux fait n’importe quoi pendant cette relation. Lui aussi, c’était un gamin. Parfois même pire que moi. Je l’ai trompé tellement de fois. Je n’ai pas honte, il m’a fait bien pire. Il n’a eu que ce qu’il méritait. Tellement de fois. Tellement de mecs différents. Embrassé. Sucé. Baisé. J’étais bourrée à chaque fois. Quand j’étais sobre, j’étais 'amoureuse'. Mais bourrée, j’étais célibataire. 'Non non, t’inquiète, on n’est plus ensemble.' je leur disais. Ils avaient peur de se faire tabasser, Lucas était tellement grand et baraque. Et vieux. Tellement de mecs différents. Ils avaient tous mon âge, ou à peine plus vieux. Ils étaient cool. Fun. Peace. Lucas, il l’était pas. Je les embrassais et les suçais pour oublier à quel point j’étais malheureuse avec lui. J’étais pathétique. Mais tellement malheureuse. Vraiment. Quand j’y repense, j’ai envie de me frapper. J’osais pas le quitter. J’aurais dû. J’aurais gagné un an et demi de ma vie. J’aurais dû écouter Mom. Et tous les autres. Mes amies que je ne voyais plus. Natalie était aux States quand j’avais besoin d’elle. J’ignore pourquoi je pleure. Peut-être le fait de me remémorer cette période tellement noire. J’allais plus en cours. Je m’évanouissais tout le temps. J’étais avec Lucas en permanence. A enchaîner les joints. A s’engueuler. J’ai passé mon été 2009 enfermée dans sa chambre, les volets fermés. Je n’ai pas vu Natalie pendant six mois. Je ne sortais plus. Je ne mangeais plus. Tout ça, c’est finit. Je l’ai quitté au bout de deux ans. Deux ans d’enfer. J’ai saccagé sa chambre. Je sors de nouveau. Je revois mes amis. J’ai de la chance d’en avoir de merveilleux qui ont accepté de me revoir. J’ai recommencé l’école. Je me suis rapprochée de ma famille que je délaissais. J’ai même arrêté la weed. J’avais commencé avec lui. Il ne reste désormais plus rien de lui dans ma vie.

J’ai l’impression de revivre, et ça fait du bien.