Jewel

Thoughts.

'Chercher le bonheur dans cette vie, c’est là le véritable esprit de rébellion'

La drogue commence doucement à atteindre mon cerveau. Après trois ans de défonce intensive. Le cannabis provoque des pertes de mémoire à court terme. Je peine lorsque je parle. Je perds mes mots. Ma mémoire, mes souvenirs des quelques dernières années se détériore. Quand je fume, je ne suis plus bien. Je lutte pour ne pas partir en bad. Je suis mal. Nausées. Mal de tête. Sentiment de persécution. D’être seule au monde. Paranoïa. Tout le monde autour de moi me regarde. Parle de moi à voix basse. Me critique. Me déteste. J’ai l’impression d’être mal habillée. D’avoir des taches sur mes fringues. D’être moche. D’avoir mon maquillage qui part en couille. Des noeuds dans les cheveux. J’ai peur de tout le monde. Je me renferme sur moi-même. Je suis dans ma bulle. Je ne suis plus high, mais stone. Je ne ris plus. Je n’apprécie plus la beauté autour de moi. D’être allongée dans l’herbe. D’avoir chaud. Ça me rend mal. Je n’arrête pas de me cogner. De me griffer. De me couper. J’ai des bleus partout. Un peu d’eczéma sur les bras. Mal au dos. L’estomac serré. Et puis je suis épuisée. Epuisée mais je lutte tous les soirs contre la fatigue. J’ai peur de m’endormir. J’ai peur de ne plus être consciente. J’ai peur de me réveiller un matin et d’être devenue folle. J’ai peur que les dégâts soient irréversibles. J’ai peur de devenir un légume. Je n’ose pas me peser. J’ai perdu du poids. Je flotte à nouveau dans le plus petit de mes jeans. Je vois l’inquiétude dans les yeux de mes parents. Je ne bouffe plus. Seulement quand je suis défoncée. Mais j’ai pas d’argent pour manger. Je l’ai dépensé en weed. J’ai peur de finir seule. Je suis seule. J’ai besoin de quelqu’un pour me sortir de ce trou profond. J’ai besoin de m’occuper l’esprit autrement. Je suis seule. Complètement seule. Livrée à moi-même. Moi contre eux. Moi contre tous. Je n’arrive plus à regarder Natalie dans les yeux.
- 'T’as l’air fatiguée, Jewel.'
- 'Non, je suis juste foncedée.'
J’ai peur de mal finir. Ça n’arrive pas qu’aux autres. J’ai peur de foirer mes études et ma vie pour un peu de weed. J’ai peur d’être aussi pitoyable. J’ai peur de faire face à ma faiblesse. J’étais intelligente, avant. J’avais de l’humour. Du charme. Aujourd’hui, je ne suis plus qu’une faible. Qu’un échec sur pattes. Qu’un bédo ambulant. La weed est pour moi ce qu’Ana représente pour les anorexiques. Une force supérieure. Une voix dans la tête. Une personnification de ma dépendance. Quelqu’un qui me tire vers le bas. Agréablement. Alors je ne lutte pas. C’est trop tard pour lutter. Alors je me perds dans mes pensées en regardant le ciel. 'Je ne vis pas sur la Terre mais sous le ciel.' Je ne veux plus tirer sur le joint mais je le fais quand même. Je me tais quand je suis mal. Partir en bad, c’est perdre la face. Partir en bad, c’est être faible. Débutant. Avouer que la weed nous détruit, c’est ne plus faire partie du clan. Il faut toujours être fort. Dans n’importe quelle situation de la vie. Ça me met la pression. Je suis seule.

'Chercher le bonheur dans cette vie, c’est là le véritable esprit de rébellion'