Jewel

Red wine.

"I believe whatever doesn’t kill you simply makes you… stranger".
- The Joker

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"Do you feel loved Jewel ?"
Ma fierté m’a empêché de lui répondre que, non, je ne me sens pas aimée. Sauf par lui. J’ai juste répondu "Ouais." Ma famille ne m’a jamais vraiment donné d’amour. Je sais qu’il est là, mais je ne le sens pas. On ne se dit pas je t’aime. Jamais. On se contente de cohabiter.
On est plus que quatre. Aaron a déménagé et Caro s’est fait interner dans une clinique de riches. Mom, Dad, Chuck et moi. La maison n’a jamais été aussi vide.
Je ne vois plus les filles. Les filles, qui ne m’ont jamais vraiment donné d’amour non plus. Elles sont toutes parties aux quatre coins du monde, de toute façon.
Bastien ne me supporte plus. Je le savais déjà. Mais il me l’a avoué aujourd’hui. Bastien, c’est mon meilleur ami. Mais il est en train de me perdre. Il m’envoie chier à longueur de journée. Il me traite de conne. Il me rabaisse sans arrêt. Il est putain d’agressif. Mais juste avec moi. Ça fait quelques semaines déjà. Il m’a sorti le solennel "Faut que j’te parle." Il ne me supporte plus depuis que je suis avec Josh. Mais il ignore pourquoi. Selon lui, je n’ai pas changé. Il ignore juste pourquoi. Josh et Mom disent qu’il a des sentiments pour moi. Je suis presque sûre que non. On a dépassé le stade de l’attirance physique il y a bien longtemps. Je suis très intuitive. Je l’aurais senti.

Avec Josh, on parlait de ma soeur. Il m’a demandé si je pense être folle. Si je pense finir au même endroit qu’elle. Je n’ai pas osé lui dire que Mom m’avait foutue là-bas à dix-sept ans, quand j’étais une droguée. Puis il a commencé à faire son psy. A me demander si Mom m’avait beaucoup rabaissée dans ma vie. Il sait qu’elle m’a traitée de slut et de whore plusieurs fois. Il sait qu’elle n’a pas une bonne opinion de moi. Il sait qu’elle n’est pas fière de moi. Il m’a demandé si elle m’a traumatisée. Si elle m’a rendu tarée. J’ai commencé à pleurer. Mom, elle est folle. Mom, elle est pétée en permanence. Mom, elle ne sait pas parler. Elle ne sait qu’aboyer. Elle est tout le temps à l’ouest. Elle dit n’importe quoi. Elle dit des choses qui n’ont aucun sens. Elle parle comme elle pense. Elle dit tout ce qui lui passe par la tête, sans aucun contexte. Du coup, on ne comprends pas de quoi elle parle. Et elle ne s’en rend même pas compte. Mom, j’ignore comment on peut la laisser travailler avec des enfants handicapés. Elle est tellement irresponsable. Elle serait capable de les blesser. Mom, elle m’étouffe. J’ai vingt ans dans dix jours et je n’ai pas le droit de sortir après 21 heures en semaine. Dans sa petite tête abîmée par ses cuites journalières, je suis son bébé. J’ai douze ans. Je ne déconne pas. Pour Mom, j’ai douze ans. Pour Mom, je ne vais jamais m’en aller. Le jour où je pars de chez moi, elle ne va pas le supporter. Elle n’aura plus rien à faire de ses journées. Mom, elle tend tout le monde. Elle ne sait que critiquer. Que donner des ordres. Que faire sa petite chef alors qu’elle tient à peine debout. Elle provoque des crises. Elle cherche l’embrouille. Elle cherche la merde. Elle pète des câbles. Elle commence à gueuler. Je lui tiens tête, elle se vexe, puis part en claquant la porte. Mom, c’est une ado. Mom, elle fait sa victime en permanence. En permanence. Mom, elle m’a mise dans une clinique de drogués. Moi. Alors qu’elle se défonce aux calmants et au vin rouge à longueur de journée. Elle n’arrête pas de clamer haut et fort qu’elle va divorcer alors qu’elle n’aura jamais les putains d’ovaires. Parce que Mom aime le fric. Mom aime le fric de Dad. Mom, elle gueule fort, mais elle dit que de la merde. De la pure merde. Elle parle pour ne rien dire. Plus personne ne l’écoute, de toute façon. Elle fait beaucoup de bruit, mais elle ne sert à rien. Je n’attends qu’une seule chose. M’éloigner le plus possible d’elle. Et au plus vite.

J’ai passé une journée de merde. Et on est que lundi.