Jewel

Pleasure.

'La grandeur de l’homme est dans sa décision d’être plus fort que sa condition.'
- Albert Camus

L’addiction. Elle m’attendait. Elle me tient. Elle était dans un coin de ma tête, prête à bondir. Je la croyait partie. La dépendance s’installe facilement dans mon corps. Dans mon esprit. Mon psy m’a appris qu’elle se transmet à travers les générations. Je tiens cela de mes parents. Alcooliques. Accros aux antidépresseurs et aux somnifères. J’ai la dépendance dans les gènes. Dans le sang. J’ai été dépendante à beaucoup de choses. Et l’addiction m’en rendait amoureuse. J’ai aimé la weed. De tout mon coeur. J’aurais fait n’importe quoi pour l’avoir auprès de moi. Elle est devenue une personne. Une personne dont j’étais amoureuse. Toute l’accoutumance à la beuh ne se passe que dans la tête. Pas de dépendance physique. Seulement psychologique. Ça fait peur. Ça fait peur de voir à quel point elle atteint l’esprit. Ça fait peur car la dépendance me plaît. Elle me plaît car combler un manque est la sensation la plus agréable au monde. Tirer sur le stick après deux heures de palpitations. De tremblements. De sueurs froides. De cette voix dans ma tête qui me dit 'Fume. Fume. Fume.' Je suis guérie. La voix est partie. La weed n’est plus dans mon sang. Je n’en ai plus envie. Je ne l’aime plus. J’en suis même dégoûtée. Plus de dépendance. Plus de manque. Plus de mal-être. Jusqu’à Francisco. La dépendance m’a rattrapée. S’est ré-installée dans mon esprit. S’est jetée sur moi, au moment-même où j’ai goûté à un nouveau plaisir. Francisco. Mon amour pour lui n’est que toxicomanie. Ma nouvelle drogue. Ma nouvelle souffrance. Ça aurait pu être n’importe qui. N’importe quoi. C’est tombé sur lui. Et c’est la première fois que je ne peux combler le manque à ma guise. Il n’est pas là. On n’est pas ensemble. Je ne couche pas avec lui. C’est aussi dur à dire que 'je n’ai pas de weed' l’était à l’époque. Je n’ai plus que lui en tête. Ça a été la clope, qui me détendait. Puis l’alcool, qui me désinhibait. La weed, qui effaçait mes soucis. Les shrooms, qui me provoquaient des trips spirituels. Le MDMA, qui rendait le monde beau. Le sexe, qui me rendait belle et puissante. Et aujourd’hui, c’est Francisco. Qui me rend malheureuse. Qui m’a brisé le coeur. Ce petit coeur a peine remis de tout ce qu’il a traversé. Mon coeur, que j’avais extracté de mon corps. Enfermé dans une boîte cadenassée à double tour. Empêchant à tout sentiment de naître. Deux ans sans aucune émotion. Aucune compassion. Aucune culpabilité. Puis j’ai donné mon coeur à Francisco lors d’une fête alcoolisée. Il l’a piétiné. Il s’est tiré. Pour deux semaines. Dans un pays rempli de bonnasses. Moi, je me retrouve seule. Dans ma petite ville suisse. Sans personne à qui parler, car ma fierté m’en empêche. J’ai honte d’être amoureuse. C’est un signe de faiblesse. J’ai honte de m’être fait envoyer chier. C’est un signe d’échec. J’ai honte de pleurer pour lui. C’est un signe de dépendance.