Jewel

World.

'En amour, il n’y a que les commencements qui soient charmants. Il ne m’étonne pas qu’on trouve du plaisir à recommencer souvent.'

Je suis allée à Lausanne avec Francisco, Fab, Aude et Maeva. Et un petit mec qu’on connaît à peine qui nous suit comme un caniche. Il a dix-sept ans et n’a jamais rien fait. Jamais bu. Jamais fumé. Jamais baisé. Il était choqué quand Maeva et moi parlions de weed. 'Vous fumez tous les jours ?!' Il faisait tellement chaud. J’avais mon minuscule short en jeans déchiré, mes spartiates à clous et un t-shirt loose. On a bu des bières. Le petit mec, Victor, n’a pas touché à la sienne. Posés dans l’herbe. C’est l’été. Puis il s’est mis à pleuvoir. Vraiment fort. Avec un putain de vent. Des éclairs. Du tonnerre. On a couru jusqu’à une terrasse à peine couverte. On était déjà trempés. Maeva a roulé son joint au milieu des gens qui se plaignaient du temps. Bryson, son copain, nous a rejoint après avoir acheter des plants de beuh au plus gros dealer de Suisse Romande. J’ai croisé mon meilleur pote Val, à qui je n’ai plus grand chose à dire. On a parlé de son boulot. De sa copine. De ses vacances à Barcelone. Il m’a payé une bière. Je l’ai pas finie. On a accompagné Maeva pour qu’elle fume son pèt. J’ai pas tiré. Francisco m’aurait fait la gueule mais l’aurait nié. J’ai enfin remarqué que Victor n’était plus là depuis une heure. Un mec s’est approché de nous. Il voulait nous emprunter un téléphone pour appeler sa copine qu’il devait retrouver. On s’est pas méfié. Maeva a continuer de tirer sur son joint comme une crevarde. Il s’est approché d’elle et a sorti un truc de sa poche. Une plaque de la brigade des stupéfiants. On s’est tous fait fouiller. Fab et Aude n’avaient que des feuilles à rouler. Francisco et moi, rien du tout en rapport avec la beuh. Seule Maeva avait de la weed. Seule Maeva s’est fait embarquer. Il nous a fait une faveur en nous laissant partir. On aurait aussi dû y aller. C’est la deuxième fois que Maeva se fait choper. Elle vient d’avoir dix-huit ans, ses parents ne l’ont pas su cette fois. De toute façon, son père est en Chine, et sa mère sous la table chaque soir. C’est marrant comme tous les parents sont alcoolos ici. Elle s’en sort avec une amende de plusieurs centaines de francs et des travaux d’intérêt généraux. Je crois que ça se dit comme ça. Maeva. Elle dit qu’elle va arrêter. Je n’y crois pas. Ça fait maintenant quatre ans qu’elle vit avec la weed. Je suis bien placée pour savoir qu’arrêter est presque impossible.

On a des hauts et des bas. Enfin, j’ai des hauts et des bas. Pour lui, tout baigne. Il n’a jamais été aussi heureux, qu’il dit. Il a découvert le sexe. Il a découvert la vraie musique. Il a découvert ce que c’est d’être dingue de quelqu’un. Moi j’ai découvert tout ça il y a bien longtemps. Avec quelqu’un d’autre. Et aujourd’hui ça ne me suffit plus. Je m’emmerde souvent. Je n’ai plus vraiment envie de lui. J’ai la flemme de me raser. J’ai la flemme d’écarter les cuisses quand on rentre explosés de soirée. J’ai la flemme de dire je t’aime. Ça me demande beaucoup d’efforts. Le pire, c’est quand il me le demande. 'Tu m’aimes ?' J’ai envie de le baffer dans ces moments. Francisco, je me suis battue pour l’avoir. J’ai adoré. J’aurais voulu continuer à me battre tout au long de notre relation. Mais il est à mon entière disposition. Je n’aime pas ça. Je n’aime pas qu’on me baise les pieds. Je n’aime pas qu’il s’excuse en permanence pour un oui ou pour un non. Je n’aime pas ses compliments sur mes vêtements, mon physique, ma famille, alors qu’il n’y a rien à complimenter. Il écoutait NRJ avant d’être avec moi. Il mettait des jeans blancs avant d’être avec moi. Il était avec des filles BCBG avant d’être avec moi. Il est tellement influençable. Je peux le modeler à ma façon. Il va même se faire tatouer. Ça me fait rire, dans un sens. Le fait qu’il parte pendant un mois est sans doute une bonne chose. Il va me manquer et je serai heureuse de le retrouver. Je serai peut-être enfin heureuse de l’avoir.