Jewel

Antisocial.

Faut voir le niveau des musiques, et les modèles de société. Faut voir les radios qu’on écoute, de quoi on parle dans les récrés. Faut voir les strings en apparence, dans les collèges, la jeunesse. Plus c’est vulgaire et plus ça fait mouiller le corps de nos armées. C’est du Gucci, c’est du goût d’chiottes. C’est le syndrome de nos époques. C’est du Chanel, c’est du Dolce. Tu fais la belle et ça te plaît. C’est du consommable toujours. Dis-moi, c’est quand qu’on fait l’amour ? A d’autres qu’à des gilets par-balles, qu’à des vérités qui font mal.
-Saez

Elle ne dit rien. Elle parle, mais elle ne dit rien. C’est pas la même chose. Elle parle pour déconner. Elle est drôle et déprimée en même temps. Elle peut sortir des trucs de fou. Elle a de la répartie. Elle te défonce en une seule phrase. Elle est trash, comme moi. On a tout de suite vu qu’on était pareilles. Des fumeuses de weed. Elle pleure souvent en cours. Elle ne dit pas pourquoi. Elle est chinoise, mais ça ne se voit pas. Elle a de longs, très longs cheveux noirs. Des yeux très légèrement en amande, bruns. Parfois verts. Elle est très mince, comme moi. On se passe souvent des fringues. Elle est avec Bryson. Ils sont très différents. Bryson est un typique Irish coincé du cul. Maeva est une typique Londonienne trash. Il ne la respecte pas. Elle reste avec lui. Je trouve qu’elle a tort, mais who am i to judge. Elle porte des Doc Martens rouge framboise. Des bottines de motard. Mes robes très courtes, comme moi. Elle est mystérieuse. Elle donne envie d’en savoir plus. Elle donne envie de l’écouter parler. Tout le monde l’écoute quand elle parle. Elle a une voix très sensuelle. Le premier jour, je me suis dit 'waw'. Elle prend régulièrement des shrooms, même si elle ne supporte pas bien la descente. Elle a vomi dans la cafétéria l’autre jour. Et du MDMA. J’en ai pris avec elle, dans un camping goa. C’était énorme. Elle traîne souvent avec Maria. Et laisse tomber sa meilleure amie Aude. Elle se fout de tout. Absolument tout. De tout le monde. De sa famille, de ses potes, des cours. Je la trouve belle. Au-delà de son apparence de 'droguée' comme disent les gens autour de nous, elle a un visage magnifique. Elle est anti-conventionnelle, ça me plait. Elle en a rien à foutre de ces merdes d’iPhones, Facebook et soirées hypes. On est très similaires. Elle est aussi Scorpion. Explosives, Maeva et moi. Elle est très solitaire. Elle n’a pas de véritable ami à part Aude. Aude, Maria et moi sommes ses seules potes filles. Elle préfère la compagnie des mecs. 'Moins superficiels'. Elle frappe. Elle frappe les pétasses qui draguent Bryson. Les pétasses qui la regardent de haut. Les pétasses qui parlent dans son dos. Je suis toujours là pour leur cracher dessus quand elle a fini de leur donner des coups. Je ne tape pas, je crache. C’est plus dégradant. Elle se confie uniquement quand elle est foncedée. Elle est partie pendant une semaine, personne ne sait pourquoi. Elle n’a rien dit à son retour. T’étais où ? 'Quelque part.' Pourquoi ? 'Parce que.' Maeva s’est fait avorter il n’y a pas longtemps. Elle savait que j’étais passée par là, je suis la première personne à qui elle en a parlé. Ça m’a touchée, comme elle ne dit jamais rien. Elle a de gros problèmes dans sa famille. Elle n’en parle jamais. C’est Aude qui me l’a dit. Maeva va foirer son année. Il lui manque six points. Maeva s’en fout. Elle est un peu antisociale. Préfère être seule. Fumer son joint en écoutant du dubstep. C’est moi qui lui ai fait découvrir le dubstep. Elle me bénit tous les jours pour ça. On parle anglais ensemble. Maeva a de la peine en cours. Elle est loin d’être conne. Elle est juste fainéante. Elle n’entend plus personne quand elle est avec Bryson. Littéralement. C’est tellement saoulant. Je comprends qu’Aude pète un câble. Maeva déteste la Suisse. Londres lui manque. Trois ans qu’elle n’y est pas retournée, je peux comprendre. Elle fume en moyenne six pèts par jour. Deux le matin, un à midi, deux l’après-midi et un le soir. Comme moi à l’époque. Maria fume avec elle. She’s a fucking follower. Ça m’énerve. Elle dit Amen à tout ce que Maeva dit ou fait. Parce que Maeva est intéressante. Captivante. Elle est dans son monde. N’entend que ce qu’elle veut entendre. Elle dessine bien. Elle oublie tout le temps qu’elle est chinoise. Comme j’oublie parfois que je suis russe et italienne. Elle ne pense qu’à l’Angleterre, je ne pense qu’aux States. Maeva, je ne veux pas la perdre. Notre relation amicale est certes assez superficielle. Mais j’ai tout de même peur qu’on se perde de vue. A cause de la weed. La weed que je ne fume plus. Nous n’avons désormais plus grand chose en commun. Maeva ne traîne qu’avec des fumeurs. J’ai du faire un choix il y a quelques mois. Le sacrifice de mes potes fumeurs en arrêtant la weed. Un nouvel échec scolaire en continuant. Je pense avoir fait le bon choix. Mais je me sens désormais un peu mise à l’écart. Je ne suis plus dans le truc. Je ne suis plus une 'skank bitch' comme disait Maeva. Je ne regrette pas mon choix. Je n’ai pas fumé depuis novembre. Vous n’imaginez pas ce que c’est. Quatre ans de weed derrière moi. La weed me manque. Les renois. Les OCB Slim. Les 20. Les 50. Les 100, parfois. La mouli. Le bong. Les tulipes. La première latte. Le goût. La détente. Le sentiment de paix. Le bonheur. La convivialité. Les fous-rire. Les confidences. Les yeux explosés. Le sourire de con sur notre gueule qui ne part pas. Les trips de foncedés. Le monde qui devient beau.
J’ai plus tout ça. Je n’ai plus Maeva non plus. Maria. Freddie. Bryson. Tim. Pat. Léon. Cassandra. Claire. Mark. Sarah. Mathieu. Chuck. Luca N. Elena. Chris. Je les ai tous perdus.

Dont worry Jewel. It’s worth it.

Saez - 'Liberté d’expression pour qui?' Débat intéressant, prouvant une fois de plus la stupidité et la superficialité de notre époque, de la publicité et l’intelligence et la lucidité de Saez.
Première partie
Deuxième partie
Troisième partie